Louis Soutter
Amants. Aurons-nous ? un logis d’hiver, entre 1937 et 1942

  • Louis Soutter (Morges, 1871 - Ballaigues, 1942)
  • Amants. Aurons-nous ? un logis d’hiver, entre 1937 et 1942
  • Peinture au doigt sur papier, 64,5 x 50 cm
  • Dation succession Jean-Claude Givel, 2018
  • Inv. 2018-005
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Soutter prélève des images dans un mouvement qu’elles arrêtent pour un temps qui s’éternise. Ce mouvement est celui du flux incessant de silhouettes noires livrées à l’errance, condamnées à avancer et à agir dans un monde où, après le péché originel, nul désir ne saurait être assouvi, nul repos ne saurait être trouvé. Alors que dans sa période maniériste, l’artiste avait dépeint les femmes comme des figures menaçantes, castratrices, et les hommes comme leurs victimes terrorisées, les peintures au doigt les réunissent ensemble dans une société humaine primitive, livrée au même destin pitoyable, assujettie aux mêmes peurs, et mue par les mêmes instincts.

Amants. Aurons-nous ? un logis d’hiver montre un couple en route vers nulle part à la recherche d’un abri, dans le froid de la neige qui tombe. L’homme, de profil, marche devant et s’est engagé sous un portique ; la femme, de face, le suit mais elle s’est arrêtée sur le seuil et semble hésiter à entrer, le bras levé comme pour donner l’alerte.

Cette peinture est révélatrice de la nouvelle syntaxe plastique mise en œuvre par Soutter à la fin de sa vie. Il a abandonné la saturation du plan par un réseau linéaire reliant les figures et les ornements de proche en proche. Désormais, des corps compacts à peine dégrossis s’inscrivent dans un espace balisé par quelques signes élémentaires : les lignes qui se coupent à angle droit, et couvrent parfois toute la surface comme un grillage ; les arabesques, qui ploient et entraînent les personnages dans leur mouvement ondulatoire ; les points, noirs ou en couleurs, empreintes posées du bout du doigt qui s’organisent en chaînes, ou en un dense semis venant combler les vides. À la fin des années 1930, Soutter poursuit à l’instar d’autres peintres de la modernité, et en particulier son contemporain Paul Klee, l’utopie de la réactivation d’un langage graphique universel remontant aux origines de l’humanité.

Bibliographie

Julie Borgeaud (dir.), Louis Soutter. Le tremblement de la modernité, cat. exp. Paris, La Maison Rouge, Fondation Antoine de Galbert, Lyon, Fage, 2012, p. 119.

Hartwig Fischer (dir.), Louis Soutter (1871-1942), cat. exp. Bâle, Kunstmuseum Basel, Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne, Collection de l’art brut, Ostfildern-Ruit, Hatje Cantz Verlag, 2002, n° 191.

Michel Thévoz, Louis Soutter. Catalogue de l’œuvre, Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1976, n° 2720.