Bibliographie
Côme Fabre (dir.), Charles Gleyre (1806-1874). Le romantique repenti, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Paris, Hazan, 2016, p. 137-138, n° 4.
Catherine Lepdor (dir.), Charles Gleyre. Le génie de l’invention, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2006, n° 5.
William Hauptman, Charles Gleyre 1806-1874. I Life and Works. II Catalogue raisonné, Princeton/N.J., Princeton University Press, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1996, n° 50.
William Hauptman, « Les autoportraits de Gleyre. Un peintre se cache », in Nos monuments d’art et d’histoire, XLI, n° 3, 1990, p. 310-317.
Réservé, modeste et timide, Gleyre s’est rarement représenté. Il s’imaginait enlaidi par un nez protubérant et par des lèvres trop charnues et n’a réalisé que trois autoportraits. Le premier, peint à l’huile, date de 1827 (conservé au Musée). Le jeune homme s’y montre en buste, le cheveu long, pâle et imberbe, posant avec raideur devant un paysage italien. Il réside alors à Paris où, arrivé de Lyon, il est entré dans l’atelier de Louis Hersent, puis à l’École des beaux-arts, et a acquis une grande maîtrise de l’aquarelle. Le troisième autoportrait (Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon), toujours à l’huile, a été réalisé en 1841. Âgé de trente-cinq ans, l’artiste vient de rentrer à Paris après un long voyage en Orient. Ses traits amaigris – qu’il cache désormais sous une barbe et une moustache fournies – sont marqués par les privations et les maladies qui ont marqué ce périple.
Ce deuxième autoportrait, envoyée de suite à sa famille, est le seul où Gleyre arbore une belle confiance en lui-même. À l’époque, le Suisse est depuis 1829 à Rome où il est venu poursuivre sa formation et chercher fortune, comme avant lui le Neuchâtelois Léopold Robert, qu’il rencontre et qui le conseille. Gleyre s’inspire peut-être des célèbres portraits de brigands de son compatriote pour le caractère composite et chamarré de son costume « à l’italienne » : une étoffe rouge ceint sa taille, une bande de tissu jaune retient son paquetage, et un foulard roulé à motifs floraux égaie sa chemise blanche à larges manches. Le pouce glissé dans la ceinture, le chapeau de paille hardiment posé sur la tête, étrennant une barbiche en collier dont il vante l’originalité dans une lettre à son oncle, il pose en artiste romantique. À la fois doux et crâne, rêveur et aventurier, il semble prêt à voler jusqu’au soleil, quitte à s’y brûler les ailes comme l’annoncent la luminosité de cette aquarelle et la plume de faucon fixée à son couvre-chef par un ruban rouge sang.