Bibliographie
Jacqueline Porret-Forel, assistée de Céline Muzelle, Aloïse Corbaz (1886–1964). Catalogue raisonné électronique (www.aloise-corbaz.ch), Chigny Fondation Aloïse, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 2012, n° 194.03v.
Jacqueline Porret-Forel et Céline Muzelle, avant-propos de Pascale Marini, Sarah Lombardi et Catherine Lepdor, Aloïse. Le Ricochet solaire, Milan, 5 Continents Editions, 2012.
Jacqueline Porret-Forel, Aloïse et le théâtre de l’univers, Genève, Éditions d’Art Albert Skira, 1993.
Sa vie durant, Aloïse est une passionnée du fil et de l’aiguille. Formée à l’École professionnelle de couture à Lausanne et réputée pour son élégance, elle confectionne elle-même ses robes. Après son internement à l’asile de Gimel, elle se propose spontanément pour repriser et repasser le linge de la maison, une occupation qui lui permet de s’isoler dans une petite pièce où elle réalise aussi ses dessins. C’est là qu’elle garde son matériel : crayons de couleur, pétales de géranium et pâte dentifrice qui, humectés, lui servent de pigments.
Dès le début des années 1940, Aloïse confectionne des rouleaux de plusieurs mètres avec des emballages récupérés de paquets ou de cadeaux, qu’elle repasse et raccommode, puis colle ou coud ensemble. Ces formats agrandis lui permettent de raconter des histoires en épisodes, poursuivies au recto et au verso du support. Elle y intègre aussi des illustrations découpées dans les journaux, des timbres-poste et des vignettes.
Ce dessin fait partie du rouleau Le Réveillon avec toi, sept mètres de feuilles cousues ensemble avec des brins de laine, puis renforcées au papier adhésif. Tout en haut et tout en bas, Aloïse a intégré des images publicitaires de belles élégantes. Le mot « Fath », associé à celui de « Sphinx », fait sans doute référence à Jacques Fath, grand couturier français de l’après-guerre. Au centre, un couple d’amoureux est installé sous un baldaquin orné d’une couronne royale. Leurs visages sont blanchis, leurs yeux aveuglés de bleu. Ils sont emportés dans un carrosse attelé de quatre petits chevaux disposés dans les angles. Cet élan est celui d’un érotisme qui se manifeste par les seins fleuris de roses de la femme, et surtout – surgi de l’uniforme de son amant – par le grand sabre d’or qu’elle effleure d’une de ses mains baguées. L’artiste fait preuve ici d’un sens exceptionnel de la « suture », faisant tenir ensemble des supports et des images par ses talents de « bricoleuse » et par la force de sa vision.