Renée Green
Commemorative Toile, 1992

  • Renée Green (Cleveland, 1959)
  • Commemorative Toile, 1992
  • 1 table avec lampe intégrée, 2 chaises recouvertes de tissu, dimensions variables
  • Acquisition, 2004
  • Inv. 2004-069
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne
    © Renée Green

Green collectionne des mots, des images, des histoires et des sons. Elle effectue des allers-retours entre le passé et le présent, entre des espaces réels et imaginaires, entre les disciplines, mêlant le personnel au politique dans ses installations, ses vidéos et ses écrits. Formée à New York et Harvard, ayant travaillé aussi bien aux États-Unis qu’en Europe, Green conçoit le plus souvent ses œuvres en lien avec un lieu précis dont elle interroge l’histoire visible ou refoulée, que ce soit Lisbonne, Berlin, Amsterdam ou encore Nantes comme c’est le cas ici pour l’œuvre Commemorative Toile.

En effet, invitée à réaliser un travail à Nantes, l’artiste explore les traces de son passé colonial, en particulier son rôle central dans le commerce triangulaire (échange de marchandises manufacturées en Europe contre des hommes et des femmes d’Afrique vendus ensuite comme esclaves contre des matières premières, principalement aux Antilles). Les tissus produits par Green font ainsi référence à l’industrie des indiennes qui fleurit à Nantes au XVIIIe siècle, ces toiles peintes utilisées aussi bien pour payer l’achat d’esclaves en Afrique que pour décorer les intérieurs des classes françaises aisées. Pour créer le motif de sa toile, qui montre de violentes scènes d’asservissement et de soulèvement, elle s’inspire des toiles de Jouy caractérisées par leurs scènes champêtres et historiées. L’artiste y reproduit des images tirées de gravures ou de récits d’époque, comme cette nonne sénégalaise héroïne du roman populaire Ourika (1824) ou cette image odieuse d’un Européen léchant le visage d’un Africain pour juger de sa santé et déterminer ainsi sa valeur marchande. En insérant l’image d’un Français pendu au cours de la révolution haïtienne au milieu des branchages fleuris, Green commémore aussi la première révolte d’esclaves couronnée de succès à l’Époque moderne, celle qui mena à l’indépendance d’Haïti en 1804. Elle bouscule ainsi le confort apparemment innocent du mobilier bourgeois, tout comme celui des reconstitutions muséales – period rooms – en vogue dans les musées anglo-saxons, pour y introduire des récits qui en sont habituellement absents.

Bibliographie

Betti-Sue Hertz (éd.), Renée Green. Endless Dreams and Time-Based Streams, cat. exp. San Francisco, Yerba Buena Center for the Arts, San Francisco, Yerba Buena Center for the Arts et New York, YBCA/D.A.P., 2010.

Nicole Schweizer (éd.), Renée Green. Ongoing Becomings, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Zurich, JRP Ringier, 2009.

Alexander Alberro, Nora M. Alter et al., Renée Green. Sombras y señales/Shadows and Signals, exh. cat., Barcelona, Fondation Antoni Tapiès, 2000.