Bibliographie
Catherine Lepdor, Patrick Schaefer et Jörg Zutter, Identités et affinités. Art suisse contemporain dans la collection du Musée des Beaux-Arts, Lausanne, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne no 3, 1996, p. 7-8.
Erika Billeter (dir.), Chefs-d’œuvre du Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne. Regards sur 150 tableaux, Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, 1989, p. 330.
Miriam Cahn. Arbeiten 1979-1983, cat. exp. Bâle, Kunsthalle Basel, Bâle, Basler Kunstverein, 1983.
Le corps n’est pas seulement un outil de travail pour Cahn : il est aussi un sujet. Pour elle, il va de soi de le représenter dès lors qu’elle crée avec lui et à travers lui. Elle revendique de produire ses œuvres à partir de son intériorité, comme si son corps était une caisse de résonance de différentes mémoires et expériences qu’elle purgerait au moment de créer. S’investir physiquement dans leur réalisation est ainsi le corollaire de la perspective subjective postulée par Cahn.
das klassische lieben est un grand cycle de création. Cahn y dessine et peint des femmes et des hommes nus, aux formes simplifiées, sans caractères individuels, à la silhouette tantôt allongée, tantôt massive. Elle décrit les rapports hétérosexuels, et les qualifie non sans ironie d’« amour classique », dénonçant par là leur construction sociale et normative. Ces grands dessins sur calque ont été réalisés sur le sol. Présentés à la verticale sur le mur, dans le sens de la hauteur, ils renvoient l’image de corps agrippés les uns aux autres. Les regards sont tournés vers le spectateur, faisant de lui le témoin interpellé d’un moment intime éclatant d’agressivité.
Dans la suite de huit dessins das klassische lieben – femmes, le principe est semblable, mais l’effet diffère : Cahn nous place sous ces corps. Nous devenons le/la partenaire sur lequel/laquelle ils se sont abattus. Les femmes de Cahn n’ont pas de taille, ni de chevelure. Leurs bras et leurs jambes se devinent à peine. Elles perdent leurs contours car elles sont vécues de l’intérieur. Seuls leurs seins et leur sexe sont marqués, parfois de manière outrancière comme ici, et proclament ainsi leur identité genrée. Les traces de doigts de l’artiste produisent une vibration spectrale. Ses mains deviennent celles de ces femmes qui sont une et toutes à la fois.