Théophile-Alexandre Steinlen
Fortifs, 1886

  • Théophile-Alexandre Steinlen (Lausanne, 1859 - Paris, 1923)
  • Fortifs, 1886
  • Huile sur carton, 25,5 x 35 cm
  • Acquisition, 1903
  • Inv. 999
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

La modernisation de Paris sous le Second Empire a pour conséquence l’exil des populations les plus pauvres à la périphérie du centre historique de la capitale. Tout comme Vincent Van Gogh (Les Fortifications de Paris, 1887, Manchester, Whitworth Art Gallery), Steinlen est sensible à la poésie des fortifications, cette enceinte entourant Paris et sa campagne qui, comme la colline de Montmartre, fait partie des derniers coins de nature où les artisans, les ouvriers et les artistes vont se promener et se reposer.

Ce tableau s’inscrit dans le vaste projet d’observation de la société contemporaine conduit par Steinlen sous les auspices du naturalisme. De petit format, il est clairement partagé par la ligne d’horizon. En bas, dans une palette chaude de verts, d’ocres et de roses rompue par quelques touches de blanc et de noir, le pinceau avance à petits coups rapides pour traduire l’épaisseur d’une herbe moelleuse et la lumière qui frappe les murs des fortifs. En haut, la touche s’étire pour brosser un ciel vaste, parcouru de nuages qui s’effilochent. Reliant ces deux plans à l’horizontalité prononcée, un chemin de terre battue serpente et s’enfonce en marquant la profondeur. Les silhouettes des ouvriers qui sommeillent sont écrites avec ce don du croquis synthétique propre au grand dessinateur qu’est Steinlen. Les fumées des hautes cheminées qui viennent salir le bleu du ciel sont comme la métaphore de l’aliénation de l’homme par l’industrie.

Dans une chanson intitulée Pour les Fortifs, Aristide Bruant – un proche de Steinlen –, s’émeut de l’annonce de la destruction des fortifs. En quelques vers, il rend tout l’esprit du tableau que leur a consacré le peintre : « Les fortifs !… Mais c’est la balade / Des Pantinois, où chaqu’ lundi / Les ouvriers, en rigolade / Vont respirer l’air d’ Bondy / En admirant la belle nature… / Et s’allonger sur le gazon, / Sous la fumé’ des trains d’ceinture / Qui leur obscurcit l’horizon… »

Bibliographie

Philippe Kaenel, avec la collaboration de Catherine Lepdor, Théophile-Alexandre Steinlen, l’œil de la rue, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Ixelles, Musée communal d’Ixelles, Milan, 5 Continents Editions, 2008, fig. 165.