Bibliographie
Benedict Leca (dir.), The World is an Apple : The Still Lifes of Paul Cézanne, cat. exp. Hamilton (Ontario), Art Gallery of Hamilton, Philadelphie, The Barnes Foundation, Hamilton, Art Gallery of Hamilton, Londres, Giles Limited, 2014, p. 165.
Guillermo Solana, Cézanne site/non-site, cat. exp. Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza, 2014, p. 130.
John Rewald, en collaboration avec Walter Feilchenfeldt et Jayne Warman, The Paintings of Paul Cézanne. A catalogue raisonné, Londres, Thames and Hudson Ltd, 1996, vol. 2, p. 106.
Absentes jusqu’alors de ses natures mortes, les pommes apparaissent dans les tableaux de Cézanne dans les années 1870. Amoncelées dans un compotier, savamment répandues sur une nappe ou, comme ici, saisies sur un coin de table, elles deviennent un motif familier. C’est avec cet humble fruit que l’artiste entend réinterroger les fondamentaux de la peinture académique et conquérir la capitale. Il déclarera vouloir « étonner Paris avec une pomme ».
Nature morte aux sept pommes et tube de couleur fait partie de ces toiles de petit format où Cézanne se concentre sur le fruit, observant sa forme, analysant ses couleurs et le saisissant sous toutes ses facettes – autant d’études dans lesquelles il fait ses gammes avant la réalisation de compositions plus ambitieuses. Jalon vers le cubisme, cette œuvre est peinte par l’artiste au sortir de sa période impressionniste. Elle est encore marquée dans son analyse de la lumière et de l’ombre portée par la leçon pleinairiste de Camille Pissarro. Cependant, la recherche d’effets atmosphériques fait place à des préoccupations formelles et plastiques qui l’emportent : le peintre concentre son attention sur l’agencement des objets, sur les rapports qu’ils entretiennent entre eux, sur le traitement de l’espace et sur l’incidence de la lumière.
Cézanne, qui reprochait à l’impressionnisme sa facture trop impulsive, structure fortement sa composition et opte pour une touche constructive, serrée, précise et méthodique. Ici, les pommes, sept sphères isolées par un cerne noir, reçoivent leur volume des brèves notations obliques du pinceau, par la seule modulation de la couleur qui les fait comme enfler de l’intérieur. Le tube de couleur, blanc, rompt l’accord chaud de la complémentarité dominante, le rouge des pommes et le vert-ocre du fond. Coupé par le cadrage, ce tube engage à s’interroger sur un « au-dehors » du tableau. Il est aussi et surtout un plaidoyer anti-illusionniste : ces pommes sont à l’huile !