Félix Vallotton
Quatre torses, 1916

  • Félix Vallotton (Lausanne, 1865 - Paris, 1925)
  • Quatre torses, 1916
  • Huile sur toile, 92 x 72,5 cm
  • Acquisition grâce au Prix de la Fondation de la Banque Cantonale Vaudoise 1995, 1998
  • Inv. 1998-012
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Trop âgé pour partir au combat lorsqu’éclate la Première Guerre mondiale, Vallotton partage la question qui taraude toute la communauté artistique : comment peindre la guerre ? Il explore nombre de pistes. Dans la peinture de paysage, dès août 1916, il dessine des études synthétisant l’action sur les champs de bataille. Puis ce sera, après la découverte en juin 1917 des sites dévastés de la Champagne, une série de tableaux qui culmine avec Verdun (1917, Paris, Musée de l’armée), toile au magistral effort d’abstraction. Dans la peinture de figure, l’artiste revient à l’allégorie avec l’immense triptyque Le crime châtié (1915, conservé au Musée). En parallèle, il travaille à des baigneuses et à des héroïnes de la mythologie interrogeant le destin de la France, ou stigmatisant son asservissement.

Quatre torses fait partie de ces « nus de guerre ». Il est le premier d’une série de trois « toiles d’études de formes », poursuivie en 1918 et 1919. L’artiste leur confère un statut d’œuvres à part entière puisqu’il les signe et les exposera à Paris. Deux tableaux montrent des femmes nues cadrées à mi-cuisses, laissant apparaître des visages derrière des bras repliés, des mains se tordant de désespoir. Le tableau du Musée est la proposition la plus radicale. Ici, l’artiste resserre le cadrage et fait disparaître les têtes, ne donnant plus à voir que des corps tronqués. Étrangement emboîtées et superposées, les figures forment un assemblage qui pourrait résulter du collage de plusieurs études d’après la même femme. Les coloris faisandés des chairs, du rose au vert et au gris, suggèrent la décomposition et inscrivent cette étude dans la tradition des « morceaux anatomiques » de Théodore Géricault.

Bibliographie

Guy Cogeval, Isabelle Cahn et alii, Félix Vallotton. Le feu sous la glace, cat. exp. Paris, Grand Palais, Paris, RMN – Grand Palais, 2013, n° 11.

Claire Garnier et Laurent Le Bon (dir.), 1917, cat. exp. Metz, Centre Pompidou-Metz, 2012.

Marina Ducrey, avec la collaboration de Katia Poletti, Félix Vallotton, 1865-1925 : l’œuvre peint, 3 vol., Lausanne, Fondation Félix Vallotton, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, Milan, 5 Continents Editions, 2005, n° 1157.