Théophile-Alexandre Steinlen
Trottin sous la pluie, 1898

  • Théophile-Alexandre Steinlen (Lausanne, 1859 - Paris, 1923)
  • Trottin sous la pluie, 1898
  • Eau-forte et pointe-sèche sur zinc en couleurs sur papier, 36 x 27 cm, I/12 E.E.
  • Donation de Paul et Tina Stohler, 2018
  • Inv. 2018-046
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Pour les quelque quatre mille numéros qui forment le corpus de ses œuvres imprimées, Steinlen utilise tous les procédés de reproduction de son temps, qu’ils soient mécaniques ou photomécaniques. Ses compositions sont destinées en grande majorité à des revues, des chansons ou des couvertures de journaux. En marge de ces illustrations, qui constituent son gagne-pain, l’artiste conçoit aussi des œuvres indépendantes, destinées au marché des amateurs d’estampes. Là, les tirages sont limités, les papiers de meilleure qualité, les encrages plus soignés.

Tiré à trente-deux épreuves, Trottin sous la pluie relève de cette seconde catégorie. Cette feuille, une épreuve d’essai, a appartenu au grand collectionneur de gravures Alfred II Beurdeley. L’œuvre date de 1898, année où Steinlen réalise ses toutes premières eaux-fortes, sans doute sur le conseil d’Eugène Delâtre, célèbre imprimeur et promoteur de la taille-douce. L’artiste réalisera cent cinquante gravures dans cette technique, s’adonnant à toutes sortes d’expérimentations sur le cuivre et le zinc, à la pointe-sèche, à l’eau-forte, parfois à l’aide du vernis mou et de l’aquatinte. Il recourt aussi à la couleur, une mode qui se répand dans les années 1890, au grand dam des puristes attachés à la tradition de l’impression dans les seules valeurs du noir.

Steinlen raconte comment, dès son arrivée à Paris, il a été séduit « par le monde de la rue », s’attachant à croquer sur le vif les « ouvriers et trottins, blanchisseuses et miséreux ». Ici, il montre l’employée d’une modiste ou d’une couturière, chargée de livrer une commande. L’artiste excelle à rendre le mouvement de cette figure typiquement parisienne qui avance chargée d’un grand panier, poussée par le vent sous une pluie battante. Pour ses débuts dans l’eau-forte, il traduit avec une virtuosité déjà éblouissante l’animation discrète du second plan : presque entièrement absorbée par la brume et le crachin, une foule dense passe devant une vitrine qui projette des reflets jaunes sur le macadam inondé.

Bibliographie

Philippe Kaenel, avec la collaboration de Catherine Lepdor, Théophile-Alexandre Steinlen, l’œil de la rue, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Ixelles, Musée communal d’Ixelles, Milan, 5 Continents Editions, 2008.

Ernest de Crauzat, L’Œuvre gravé et lithographié de Steinlen. Catalogue descriptif et analytique suivi d’un essai de bibliographie et d’iconographie de son œuvre illustré, Société de Propagation des Livres d’Art, Paris, 1913, n° 16.