Bibliographie
Peter Fischer, « Soi-même : acrobatie », in Antonia Nessi (dir.), Valérie Favre, cat. exp. Neuchâtel, Musée d’art et d’histoire, Zurich, Scheidegger & Spiess, 2017, p. 74.
Peter Fischer, « Soi-même : acrobatie », in Antonia Nessi (dir.), Valérie Favre, cat. exp. Neuchâtel, Musée d’art et d’histoire, Zurich, Scheidegger & Spiess, 2017, p. 74.
Dans la série Make-up, Favre incarne des personnages représentés dans des peintures ou des photographies célèbres. Du Vaticinateur de Giorgio de Chirico (1915, New York, The Museum of Modern Art) à Jean Cocteau endormi immortalisé par Berenice Abbott (1927), les images qu’elle choisit montrent des figures costumées ou accompagnées d’un alter ego (le mannequin devin de De Chirico, le masque d’Antigone près de la tête de Cocteau). Cet intérêt pour la théâtralisation de soi peut être rattaché à la carrière de comédienne qu’elle a embrassée avant de se tourner vers la peinture.
Le présent autoportrait a été réalisé d’après une photographie iconique d’Hugo Ball costumé en « évêque magique » récitant un poème phonétique lors d’une soirée dada au Cabaret Voltaire à Zurich en 1916. Favre s’est fait photographier dans son atelier portant une cape et un couvre-chef en carton inspirés de la tenue cubiste arborée par Ball, un costume en couleurs déjà traduites en valeurs de gris dans la photographie historique. Le motif à rayures de sa « robe » est celui du chapeau de Ball. Le pupitre et d’autres détails du décor ont disparu.
L’œuvre appartient à un ensemble de huit peintures sur le même thème. En réalisant des variations, Favre n’entend pas déployer un éventail des possibles mais s’emparer d’un sujet, prendre le temps de l’étudier. Ici, elle s’approprie le portrait de Ball pour en faire une effigie de peintre : elle tient dans sa main droite des pinceaux qui semblent dégouliner de ses doigts, et elle nous regarde, presque vulnérable, interrogeant son identité et ses moyens de peintre.
Avec ce travail, Favre s’inscrit dans différentes filiations, dont celle d’une Cindy Sherman sur la question du travestissement et de l’indifférenciation des sexes, et celle de Marcel Duchamp et des avant-gardes du début du XXe siècle, dont elle reprend pour cette toile les dimensions du Nu descendant un escalier n°2 (1912, Philadelphia Museum of Art).