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La collectionBibliographie
Côme Fabre (dir.), Charles Gleyre (1806-1874). Le romantique repenti, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Paris, Hazan, 2016, p. 137-138, n° 80.
Marie Alamir, « La Bataille du Léman de Charles Gleyre. L’invention d’un mythe », in Catherine Lepdor (dir.), Charles Gleyre. Le génie de l’invention, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2006, p. 55-81, n° 161.
William Hauptman, Charles Gleyre 1806-1874. I Life and Works. II Catalogue raisonné, Princeton, Princeton University Press, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1996, n° 680.
Les convictions républicaines de Gleyre expliquent l’enthousiasme avec lequel il accepte une commande du jeune gouvernement radical du canton de Vaud, sa patrie d’origine : on lui demande de réaliser un pendant au Major Davel (1850, conservé au Musée), une peinture d’histoire monumentale qui suscite l’admiration générale. Après la décapitation de Jean Daniel Abraham Davel, héros qui tenta en 1723 de soulever les Vaudois contre le régime bernois, l’artiste choisit un autre épisode de la lutte des peuples pour leur indépendance. Les Romains passant sous le joug montre la défaite infligée en 107 av. J.-C. à la légion romaine du consul Lucius Cassius par les Helvètes, commandés par leur chef Divico. À Davel, résistant solitaire, succèdent les Celtes, un peuple en lutte contre l’envahisseur ; à une page de l’histoire locale moderne, un fait de l’Antiquité classique relaté par Jules César dans La guerre des Gaules. L’œuvre allait devenir une icône pour la Suisse d’après 1848, cette jeune nation à la recherche de mythes identitaires fédérateurs.
Gleyre mettra huit ans pour réaliser ce tableau. Il accumule une vaste documentation sur la culture matérielle des Celtes et multiplie les études préparatoires. Il situe la scène au bord du lac Léman (on sait aujourd’hui qu’elle se déroula en France, près d’Agen). Le moment représenté est celui de l’humiliation des Romains. L’allusion à la bataille des Fourches Caudines se double de la revendication d’une identité agraire, le peintre montrant les Latins contraints par les Helvètes à plier l’échine sous un joug réservé aux bœufs. La composition est d’une incroyable densité et complexité qui, autour du chêne tutélaire, réserve la zone supérieure au paysage et la zone inférieure à l’action. À gauche, on voit l’armée helvète conduite par Divico qui brandit le glaive ; à droite, le char des druides et des prêtresses qui font monter vers le ciel le chant de la victoire ; au centre, les prisonniers qui défilent, flagellés par les guerriers et moqués par les enfants.