Louis Soutter
Anges musiciens, entre 1931 et 1935

  • Louis Soutter (Morges, 1871 - Ballaigues, 1942)
  • Anges musiciens, entre 1931 et 1935
  • Plume et encre de Chine sur papier, 34 x 51 cm
  • Don d'Yvonne Walter-du Martheray, 1961
  • Inv. 526
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Une trentaine de dessins réalisés par Soutter dans les années 1930 interpellent le répertoire classique, surtout les Écoles italiennes du XIIIe au XVIe siècle. Ils s’inscrivent moins dans le registre traditionnel de la « copie d’après » les maîtres anciens que dans celui de la digestion des images d’art diffusées à grande échelle par la presse illustrée et la littérature spécialisée.

À l’asile de vieillards de Ballaigues où il est interné depuis 1923, Soutter a accès aux journaux et il reçoit des livres de ses amis. Les reproductions d’art du supplément littéraire de L’Illustration et des monographies d’artistes activent son imagination. Ici, il redessine les anges musiciens de la partie inférieure d’une grande tempera sur bois de Vittore Carpaccio, la Présentation de Jésus au temple (1510, Venise, Gallerie dell’Accademia). L’ouvrage qui l’a inspiré est celui consacré au peintre vénitien par Giuseppe Fiocco, publié en 1930 aux éditions romaines Valori Plastici. Soutter travaille d’après sa traduction en français, parue l’année suivante.

L’ouvrage de Fiocco propose des reproductions héliographiques en noir et blanc qui adoucissent les contours et mettent en valeur les contrastes. Il consacre quatre planches à la Présentation au temple : une vue d’ensemble et trois détails cadrant séparément chacun des anges. Soutter regroupe ces derniers en bouleversant leur ordre qui n’est plus celui de la composition de Carpaccio. L’espace perspectif renaissant – où les anges sont éloignés les uns des autres et étagés sur deux niveaux – disparaît au profit d’un enchevêtrement de formes rabattues sur un seul plan. Les figures s’étirent et se tordent ; elles perdent leur douceur. Au terme du travail de condensation, de déplacement et de déformation, Soutter nous livre des musiciens d’une inquiétante étrangeté.

Bibliographie

Michel Thévoz, Louis Soutter. Catalogue de l’œuvre, Lausanne, L’Âge d’Homme, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1976, n° 2429.

Michel Thévoz, Louis Soutter ou l’écriture du désir, Lausanne, L’Âge d’Homme, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1974, p. 230-231.

Giuseppe Fiocco, Carpaccio, Paris, Les Éditions G. Crès & Cie, 1931, planches III / CLIII, CLV, CLVI, CLVII.