Charles Gleyre
Esquisse pour Le paradis terrestre ou Le matin, entre 1869 et 1874

  • Charles Gleyre (Chevilly, 1806 - Paris, 1874)
  • Esquisse pour Le paradis terrestre ou Le matin, entre 1869 et 1874
  • Huile sur bois, 24 cm (diam.)
  • Acquisition 1908
  • Inv. 1366
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Dès son séjour en Égypte au milieu des années 1830, Gleyre rumine un projet complexe, où plusieurs tableaux opposant les heures de la journée, les âges de la vie, le déclin et la renaissance des peuples offriraient la quintessence de ses réflexions sur l’histoire de l’humanité. Trois œuvres majeures se rattachent à cette ambition jamais assouvie : Le soir ou Les illusions perdues (Paris, Musée du Louvre), son grand succès au Salon de Paris de 1843, qui évoque la fin des civilisations ; Le Déluge (1856), où une colombe survolant la Terre dévastée annonce l’espoir d’un renouveau ; ce Paradis terrestre enfin, dernière œuvre à laquelle l’artiste travaille au moment de sa mort survenue en 1874.

Malgré le titre que lui a donné la postérité, Le paradis terrestre n’est pas une simple illustration de l’épisode biblique. Certes ce tondo, esquisse pour une œuvre monumentale, convoque le souvenir des figures d’Adam et d’Ève pour symboliser l’enfance de l’humanité. Mais l’artiste revient à Ovide pour la description de ce locus amœnus, et à Rousseau pour la « sentimentalité » qui unit le couple tendrement enlacé. Ève est une citation presque littérale de la Naissance de Vénus de Sandro Botticelli (vers 1484-1485, Florence, Galerie des Offices). Un lapin, des chevreaux et des poules faisanes sont disposés en cercle autour du couple avançant à contre-jour dans le soleil levant. L’arbre du fruit défendu est absent, tout au plus évoqué par un pommier en fleurs disparaissant dans une nature bucolique avec, au premier plan, une prairie semée de coquelicots et de renoncules, au second plan, une rivière, et à l’arrière-plan, une chaîne montagneuse enneigée qui rappelle les contreforts du Jura, terre natale de l’artiste.

Avec Le paradis terrestre, Gleyre retrouve le plaisir de la couleur. Il dit aussi son espoir d’un âge d’or à venir, une attente partagée par nombre d’artistes du XIXe siècle, d’Ingres à Pierre Puvis de Chavannes.

Bibliographie

Côme Fabre (dir.), Charles Gleyre (1806-1874). Le romantique repenti, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Paris, Éditions Hazan, 2016, p. 185, n° 112.

Catherine Lepdor, « Esquisse pour Le Paradis terrestre », in Catherine Lepdor (dir.), Charles Gleyre. Le génie de l’invention, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2006, p. 241-249, n° 268.

William Hauptman, Charles Gleyre 1806-1874. I Life and Works. II Catalogue raisonné, Princeton, Princeton University Press, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1996, n° 1023.