Félix Vallotton
Femme nue, rideau vert, 1897

  • Félix Vallotton (Lausanne, 1865 - Paris, 1925)
  • Femme nue, rideau vert, 1897
  • Huile sur carton, 60 x 47,8 cm
  • Legs d’Henry Pascal, 1942
  • Inv. 613
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Sensuelle dans sa manière de retenir nonchalamment le voile qui tout à la fois cache et révèle son corps, la Venus pudica de Vallotton est hiératique, d’une beauté froide et distante. Ses chairs, qui semblent comme modelées dans de la cire, dessinent fermement leurs contours sur le rideau vert qui ferme la composition.

En 1897, Vallotton ne soumet plus systématiquement les corps qu’il peint à l’aplat. Donnant une nouvelle direction à son art, il explore les anatomies nées de lignes tracées par le pinceau, les formes modelées par les ombres et la lumière. Ici, la pose de son modèle s’inscrit dans la grande tradition de la peinture de nu. L’arabesque exagérée, le déhanchement emprunté à la statuaire antique, et même la coiffure en bandeaux, sont des réminiscences du néoclassicisme ingresque ; un néoclassicisme présent aussi par le motif de la colonne et de la balustrade, du rideau ouvrant la scène d’intérieur sur un coin de nature.

Vallotton voue une admiration sans bornes à Jean-Dominique Ingres : « Rien plus que la façon dont Ingres enserre la forme de son trait, ne m’a fait subir la tiédeur d’un corps de femme et le poids d’un sein », déclare le héros de son roman La vie meurtrière. Le peintre suisse ne cherche pas pour autant à imiter le Grand Prix de Rome : en paraphrasant son maître, en s’inscrivant dans la tradition de la bella maniera, il met la forme classique à l’épreuve de la modernité. Se détournant de l’érotisme ingresque – et détournant son esthétisation du nu –, il fait du corps féminin un champ d’expérimentations formelles.

Présenté selon toute vraisemblance à une exposition des Nabis à la Galerie Vollard en 1898, Femme nue, rideau vert a dû déconcerter les camarades de Vallotton, ces promoteurs d’un langage décoratif aux grands aplats colorés.

Bibliographie

Marina Ducrey, avec la collaboration de Katia Poletti, Félix Vallotton, 1865-1925 : l’œuvre peint, 3 vol., Lausanne, Fondation Félix Vallotton, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, Milan, 5 Continents Editions, 2005, n° 237.

Catherine Lepdor, Félix Vallotton, La vie recomposée, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts n° 12, 2002.

Sasha M. Newman (dir.), Félix Vallotton, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Paris, Flammarion, 1992.