Édouard Vuillard
Madame Vuillard cousant, rue Truffaut, vers 1900

  • Édouard Vuillard (Cuiseaux, 1868 - La Baule, 1940)
  • Madame Vuillard cousant, rue Truffaut, vers 1900
  • Huile sur carton, 50 x 37 cm
  • Legs d’Henri-Auguste Widmer, 1936
  • Inv. 401
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Réalisée sur un carton de petit format, cette peinture date de la fin de la période nabie de l’artiste. Elle a pour cadre le salon de l’appartement-atelier loué par Vuillard de 1899 à 1904 au 28 de la rue Truffaut à Paris. La mère du peintre est représentée assise dans un fauteuil Louis XIII recouvert d’un tissu aux larges bandes brunes et rouges. Occupée à coudre (ou assoupie ?), elle reçoit la chaleur d’un rayon de soleil pénétrant dans la pièce sombre par une fenêtre dont les persiennes et les vantaux ont été largement ouverts. En résulte un jeu sophistiqué entre parties irradiées par la lumière traitées dans une palette fraîche de blancs, de verts et de jaunes, et zones à l’ombre rendues dans des gris, bruns et rouges chaleureux.

La matière est maigre et mate. La facture est rapide et notationnelle: petites touches juxtaposées laissant apparaître la couleur du carton en réserve, et dessin gravé dans la matière au pinceau sec. Les tissus (corsage, rideaux de dentelles aux fenêtres) recueillent les oppositions les plus vigoureuses, transparents et mouchetés de blanc lorsqu’ils sont touchés par la lumière, opaques et gris lorsqu’ils sont à l’ombre.

«Aucun artiste n’a su rendre à ce degré l’âme d’un intérieur», déclare le critique Julius Meier-Graefe en 1904 à propos de Vuillard. De fait, avec ses amis nabis, l’artiste participe au tournant du XIXe siècle à l’élévation de l’intérieur au rang de genre à part entière. Sous son pinceau les figures et les objets se dissolvent dans une interprétation de la forme par la couleur, qui manifeste un sens très personnel des tons et des valeurs rapprochées, une prédilection pour le gris. Vuillard s’attache à la transposition sur un mode décoratif, mais il articule aussi clairement les repères de l’espace et suggère la dimension temporelle par l’évocation d’une action. À ce titre, son œuvre annonce les intérieurs décoratifs d’Henri Matisse, mais aussi les natures mortes des cubistes.

Bibliographie

Antoine Salomon, Guy Cogeval et Mathias Chivot, Vuillard, le regard innombrable : catalogue critique des peintures et des pastels, Paris, 2003, 3 vol., vol. 2, p. 637, n° VII-181.

Guy Cogeval, Édouard Vuillard, cat. exp. Washington, National Gallery of Arts, Montréal, Musée des beaux-arts, Paris, Grand Palais, Londres, Royal Academy of Arts, 2003.

Jean-Paul Monery et Jörg Zutter, Édouard Vuillard : la porte entrebâillée, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Saint-Tropez, Musée de L’Annonciade, Milan, Skira, 2000, n° 43.