Louis Ducros
Intérieur de la Villa de Mécène à Tivoli, vers 1785

  • Louis Ducros (Moudon, 1748 - Lausanne, 1810)
  • Intérieur de la Villa de Mécène à Tivoli, vers 1785
  • Plume et encre de Chine, aquarelle, gouache et vernis sur papier, 53,8 x 74,4 cm
  • Acquisition, 1816
  • Inv. 907
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Cette aquarelle nous introduit dans ce que le XVIIIe siècle pensait être les restes de la demeure de Caius Maecenas à Tivoli, en fait les ruines du sanctuaire d’Hercule Vainqueur (IIe siècle av. J.-C.). Ducros choisit une perspective diagonale et un point de vue en contre-plongée qui augmentent l’impression de pénétration dans un univers souterrain. En bordure, une architecture antique dévorée par la végétation; au centre, un puits bénéficiant d’une intense clarté fournie par deux sources lumineuses: latérale avec le soleil traversant les arches, centrale avec la cascade bouillonnante dont la blancheur résulte du papier lui-même, laissé en réserve. Une impression de monumentalité est obtenue par l’élargissement de l’angle de vue et par la profondeur creusée au fil du cheminement de l’eau. Le contraste d’échelle entre les voûtes, sombres et inquiétantes, à la Piranèse, et les baigneuses, observées par des voyeurs dissimulés dans les feuillages, installe une tension érotique et un sentiment de crainte dignes du roman gothique.

Ducros comptait de nombreux clients anglais. Parmi ceux-ci, Sir Richard Colt Hoare qui, lors de son «Grand Tour» à travers l’Europe, acquiert treize vedute de grand format, dont une version de cet Intérieur de la Villa de Mécène à Tivoli. C’est dans son domaine de Stourhead (Wiltshire) que William Turner découvre vers 1795 les paysages de Ducros, une de ses sources d’inspiration. L’Anglais apprend du Suisse l’élaboration poussée de l’aquarelle – par le très grand format et par l’adjonction de gouache et de vernis – qui lui confère une apparence plus spectaculaire, comparable à celle de la peinture à l’huile. Leurs œuvres ont encore en commun de témoigner des signes avant-coureurs du romantisme, dans la représentation d’une nature désormais sublime, et miroir des émotions.

Bibliographie

Guillaume Faroult (dir.), Turner et ses peintres, cat. exp. Paris, Galeries nationales du Grand Palais, Paris, RMN, 2010, n° 5.

Jörg Zutter (dir.), Abraham-Louis-Rodolphe Ducros: un peintre suisse en Italie, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, Skira, 1998, n° 27.

Pierre Chessex, A.L.R. Ducros (1748-1810). Paysages d’Italie à l’époque de Goethe, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Genève, Éditions du Tricorne, 1986, n° 51.