Bibliographie
Philippe Kaenel, Eugène Burnand, peintre naturaliste, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2004, p. 89-99.
Pierre Streit, « Dossier : Le Panorama de la Bataille de Morat », in Passé simple. Mensuel romand d’histoire et d’archéologie, tiré à part, juin 2018, p. 1-19.
Avec cette toile monumentale, Burnand entend s’illustrer dans la peinture d’histoire après avoir abordé avec succès les registres rural et animalier. Le Suisse admire le Français Ernest Meissonier, peintre d’histoire militaire, dont il partage le souci de véracité. Mais il a aussi à l’esprit ses compatriotes : Gleyre qui, un demi-siècle plus tôt, a peint Les Romains passant sous le joug (1858, conservé au Musée), icône de la lutte des Suisses pour leur indépendance ; et Hodler qui, en 1898, inaugurera sa représentation édifiante des batailles de Morat et de Marignan dans la Salle d’armes du Musée national suisse à Zurich. Comme Gleyre, il ne juge dignes d’être représentées que des « scènes ayant une haute portée dramatique ou morale, au sens héroïque ou légendaire ». Comme Hodler, il arrête son choix sur la bataille de Morat, cet épisode des guerres de Bourgogne où, en 1476, les Confédérés victorieux assirent leur réputation de bravoure et la supériorité du système de l’armée de milice : « Outre que [Charles le Téméraire] est connu de tous, sa fuite éperdue, l’effondrement de sa grandeur ont une signification morale et sociale qui dépasse le fait immédiat et est de nature à donner à l’œuvre d’art […] un caractère général, typique et humain. »
Pour réaliser son grand projet naturaliste, Burnand, obsédé par l’exactitude et l’authenticité, lit les historiens. Il se rend dans les musées pour copier des bijoux, des tissus et des armures d’époque. Il reconstitue devant la verrière de son atelier une forêt de et fait poser ses modèles habillés de costumes cousus par son épouse : un colporteur italien pour le duc bourguignon et des habitants de son village de Seppey pour les autres figurants. Plus que par cette cavalcade stupéfiante et merveilleuse, on est finalement frappé par le rôle que Burnand attribue à la nature, à cette sombre forêt du Jorat qui absorbe un bref instant de terreur dans l’épaisseur de son mystère et l’éternité de son silence.