Eugène Burnand
La Prière sacerdotale, 1900-1918

  • Eugène Burnand (Moudon, 1850 - Paris, 1921)
  • La Prière sacerdotale, 1900-1918
  • Huile sur toile, 190 x 370 cm
  • Don de Jean-Jacques Mercier-de Molin, 1904
  • Inv. 201
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Lorsque Burnand rêve au tournant du XIXe siècle d’exceller dans le grand art, c’est à l’art religieux qu’il pense. Alors que Maurice Denis se fait le champion d’un nouvel art décoratif au service du catholicisme, l’Helvète promeut un art naturaliste protestant, porteur d’un message spirituel contemporain. La peinture qu’il envisage est nourrie d’une théologie réformée insistant sur l’existence toute matérielle du Christ : « Jésus a vécu historiquement, corporellement parmi les hommes ; il a revêtu notre forme humaine […], a travaillé, mangé, souffert, pleuré », écrit-il. Un postulat en accord avec l’esthétique qu’il défend : ne peindre que ce que l’on voit, prêter au Christ des traits non pas idéalisés, mais reproduisant fidèlement ceux d’un homme incarné.

La genèse de La Prière sacerdotale révèle cependant toute l’ambiguïté du credo de Burnand. Lui qui exècre les iconographies saint-sulpiciennes et les visions fantastiques des symbolistes, se décrit littéralement victime d’une hallucination lorsque lui apparaît son sujet, un épisode de l’Évangile de Jean : « Il y a véritablement du surnaturel dans ce jet soudain qui fait apparaître l’œuvre entière en une claire vision… ». Quant au modèle, son choix aurait été déterminé par une « intervention providentielle de Dieu », qui place sur son chemin un Florentin tout désigné.

L’œuvre, qui adopte une composition en frise répartissant les disciples de part et d’autre de Jésus dans un subtil camaïeu de blancs bleutés, est exposée en Angleterre et en Allemagne sitôt achevée. Mais le peintre n’est toujours pas satisfait. En 1904, il rencontre un tapissier à Neuchâtel et corrige le portrait : « J’ai mon Christ ! » Présenté la même année à l’Exposition nationale suisse des beaux-arts à Lausanne, le tableau est offert au Musée, puis ramené plusieurs fois par l’artiste dans son atelier de Seppey. C’est son fils Franz, pasteur, qui incarnera le Sauveur dans la cinquième et ultime version de 1918.

Bibliographie

Philippe Kaenel, Eugène Burnand, peintre naturaliste, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2004, p. 111-113.