Maurice Denis
Le chapelet, vers 1890

  • Maurice Denis (Granville, 1870 - Paris, 1943)
  • Le chapelet, vers 1890
  • Huile sur toile, 73 x 60 cm
  • Acquisition 2018
  • Inv. 2018-151
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Très tôt, Denis associe vocation artistique et foi catholique : « Oui, il faut que je sois peintre chrétien […] » (Journal, 22 mai 1885) ! Ce tableau montre une procession de la fête du Saint-Rosaire, le 7 octobre. À la lumière des étoiles et des cierges, des jeunes filles agenouillées récitent le chapelet. Tout à gauche, on reconnaît le profil de « Jeanne la Douce », une apprentie modiste dont Denis s’est épris et qui apparaît dans ses tableaux autour de 1890, dans Audi filia (coll. privée), où elle symbolise la vocation religieuse, ou encore dans les différentes versions du Mystère catholique, où elle prête ses traits à la Vierge.

L’été 1889, Denis visite l’exposition du groupe impressionniste et synthétiste organisée à Paris au Café Volpini. Gauguin, de retour de Pont-Aven, y présente ses dernières œuvres. Pour le jeune homme et pour ses amis nabis, c’est une révélation !

Hiératique, mystique, nocturne, Le chapelet partage nombre de partis pris avec La vision après le sermon, une œuvre symboliste célèbre de Gauguin (1888, Édimbourg, Scottish National Gallery) : l’installation d’une scène religieuse dans un paysage naturel où s’abolit la frontière entre réalité et songe ; le gros plan coupé par le cadrage ; la composition s’ouvrant à gauche sur le profil d’une adolescente aux mains jointes ; le déploiement d’une frise serrée de jeunes filles en prière ; le synthétisme des formes. Inspiré comme Gauguin par les Primitifs italiens et l’estampe japonaise, Denis opère une rupture décisive avec le naturalisme. Il renonce à l’illusionnisme et à la profondeur de l’espace au profit d’une organisation ornementale de la surface peinte, fragmentée ici par les horizontales et les verticales des barrières. Le « Nabi aux belles icônes » se singularise cependant par une touche pointillée sensible, qui se matérialise dans les chapelets ou la voilette. Sa palette aussi est caractéristique, qui témoigne dans les carnations de son goût pour les teintes nacrées, rosées et délicates.

Bibliographie

Claire Denis, Fabienne Stahl et alii, Maurice Denis. Le printemps de la vie, cat. exp. Kitakyushu, Kitakyushu Municipal Museum of Art, Tokyo, Seiji Togo Memorial, Fuefuki, Yamanashi Prefectural Museum of Art, 2011-2012, NHK, 2011, p. 197, n° 10.

Maurice Denis (1870-1943), cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Montréal, Musée des beaux-arts de Montréal, Rovereto, Museo di arte moderna e contemporanea di Trento et Rovereto, Paris, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2006.