Emile David
Polyphème, entre 1860 et 1870

  • Emile David (Lausanne, 1824 - Rome, 1891)
  • Polyphème, entre 1860 et 1870
  • Huile sur toile, 86,5 x 158 cm
  • Don de Louis Ormond, 1893
  • Inv. 1448
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Il faut attendre le début du XVIIe siècle pour voir le paysage conquérir son autonomie à Rome avec le succès rencontré par les vedute. Dès les années 1630, en particulier avec Nicolas Poussin, son rôle est redéfini dans la peinture d’histoire. La nature n’est plus le décor de l’action, elle en devient l’expression : on a affaire désormais à des paysages « avec » saint Jean, ou « avec » Orion, où les héros de l’histoire, du récit biblique ou du mythe habitent un lieu dont la description occupe l’essentiel de la toile et retient tout d’abord l’attention.

Comme son maître le peintre Charles Gleyre, David a réalisé de nombreux tableaux mettant en scène des épisodes de la mythologie grecque. Chez lui, dans la suite du paysage historié tel qu’on vient de le décrire, c’est la nature qui domine, les figures des dieux et des déesses disparaissant dans l’ombre des forêts ou se mêlant aux montagnes, une osmose toute ovidienne.

Ici, on admire d’abord un rivage méditerranéen battu par les flots et sa subtile animation par une lumière rosée à travers un ciel de nuages gris. On repère l’influence de Camille Corot et de son suiveur genevois Barthélemy Menn non seulement dans la palette, mais aussi dans le traitement des rochers ainsi que de la verdure au premier plan. Ce n’est qu’ensuite qu’on découvre Polyphème, assis parmi les récifs et scrutant l’horizon au lever du soleil. La scène semble se situer sur Lachea, une des îles siciliennes de l’archipel des Cyclopes, au milieu des pierres dont la légende veut qu’elles aient été lancées par le géant sur Ulysse pendant son évasion, après que celui-ci lui a crevé l’œil. Au premier plan paissent les moutons du fils de Poséidon, et gît l’immense bloc taillé qui fermait l’ouverture de sa grotte.

Bibliographie

Erika Billeter (dir.), Chefs-d’œuvre du Musée Cantonal des Beaux-Arts, Lausanne : regard sur 150 tableaux, Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, 1989, p. 92.

Marie Bovet-David, Catalogue des œuvres d’Émile David. Avec une notice biographique et une lettre d’Étienne Duval, Lausanne, Payot & Cie éditeurs, 1905, n° 5.