Didier Rittener
Bouc, 2004

Rittener conçoit ses transferts, estampes, sculptures et dessins muraux à partir d’une archive de dessins à la mine de graphite, réalisés sur des feuilles de papier calque, au format A4. Ces dessins représentent des visages, des animaux, des éléments ornementaux, des motifs divers, des mots, que l’artiste a extraits du flux des images qui l’assaille. Au moment de leur décontextualisation, c’est-à-dire de leur transcription sur le papier, ils sont isolés, modifiés, redimensionnés et/ou combinés avec d’autres sujets, et chaque étape technique les éloigne encore plus de leur source originelle en altérant leur nature matérielle – le crayon y contribue en premier lieu. Le premier de ces dessins date de 2001 et l’archive a été publiée en 2004 et en 2010 sous le titre Libre de droits, qui annonce les paramètres de la démarche. Ce répertoire iconographique que Rittener s’est constitué, et qu’il continue de nourrir, rappelle les livres de modèles du Moyen Âge : ces recueils de motifs qui servaient à exercer la main par la copie et à établir des normes de représentation en fournissant des exemples. Rittener en retient le fait qu’ils appartenaient à tous et qu’ils étaient destinés à sans cesse être réutilisés.

L’histoire de l’art est une des sources de l’artiste. Ce très grand Bouc est ainsi la juxtaposition de la figure principale couronnée de feuilles de vigne (une représentation du diable dès le XVe siècle) d’El aquelarre (Le sabbat des sorcières) (1797-1798, Madrid, Museo Lázaro Galdiano) de Francisco de Goya, et d’étoiles stylisées et rayonnantes, dont l’une peut faire penser à une particule virale. Rittener n’attend pas nécessairement des spectateurs qu’ils identifient les éléments recyclés. Il cherche plutôt à convoquer une sensation de déjà-vu et à montrer combien notre culture visuelle est elle-même un puits d’images que l’on s’est appropriées et qui s’entremêlent.