Alfredo Jaar
Real Pictures, 1995-2007

  • Alfredo Jaar (Santiago du Chili, 1956)
  • Real Pictures, 1995-2007
  • 6 monuments composés de 291 boîtes d’archives sérigraphiées, comprenant chacune une photographie , dimensions variables
  • Acquisition avec le soutien de l’Association des Amis du Musée, de l’artiste et d’un donateur désirant garder l’anonymat, 2007
  • Inv. 2007-015
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Que ce soit à travers des interventions publiques, des installations, des photographies ou des vidéos, l’œuvre de Jaar interroge la nature des images et nos rapports à celles-ci. Si son travail est au plus près de l’actualité, il prend le contre-pied du compte rendu sensationnaliste, proposant au contraire un « arrêt sur image » et ouvrant la possibilité de réinscrire l’épaisseur du politique dans ce qui ne paraissait qu’événement.

Trois semaines après la fin du génocide rwandais au cours duquel, en moins de cent jours, près d’un million de personnes furent massacrées, Jaar se rend sur place, d’abord à Kigali, puis sur la frontière rwando-zaïroise. Lors de ses rencontres avec des survivants, de ses visites des lieux de massacre et des camps de réfugiés, l’artiste récolte pendant près d’un mois le poids des paroles, celui des images, engrangeant des témoignages, et des milliers de photographies. Travaillé par ce matériau, il tentera ensuite pendant six ans de lui donner une forme, tant cette expérience a bouleversé son rapport à la représentation, à l’image-témoin, à son rôle d’artiste.

Une des œuvres majeures issue de ce projet s’intitule Real Pictures (Images réelles). Elle se présente comme un ensemble d’éléments rectangulaires rappelant l’esthétique épurée des sculptures minimalistes. Mais de fait, les boîtes qui la composent contiennent chacune une photographie prise par l’artiste et représentant différents aspects du génocide rwandais, images qui ne nous seront pas données à voir. Sur chaque boîte, Jaar a décrit l’image qu’elle contient, créant ainsi une installation qui tient tout à la fois du cimetière et de l’archive. À la masse inimaginable des victimes anonymes, il substitue des individus, avec des noms, des identités, des familles, des liens, pour tenter de leur rendre un peu de leur humanité, ou, comme le formule l’artiste, pour « offrir une absence qui puisse peut-être provoquer une présence ».

Bibliographie

Madeleine Grynsztejn (dir.), Alfredo Jaar. Venezia Venezia, cat. exp. Venise, Pavillon chilien, 55e Biennale de Venise, New York, Actar, 2013.

Jan Ketz (dir.), Alfredo Jaar. The Way It Is : eine Ästhetik des Widerstand/An Aesthetic of Resistance, cat. exp. Berlin, NGBK Neue Gesellschaft für Bildende Kunst, Berlinische Galerie, Alte Nationalgalerie, 2012.

Nicole Schweizer (dir.), Alfredo Jaar. La Politique des images / The Politics of Images, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Zurich, JRP Ringier, 2007.