Taus Makhacheva
4’224,92 cm2 de Degas, 2020

  • Taus Makhacheva (Moscou, 1983)
  • 4’224,92 cm2 de Degas, 2020
  • Installation, son (2 lés suspendus, 10 éléments recouverts de tissus, avec phrases brodées, 3 éléments recouverts de tissus servant de banc, une plateforme suspendue recouverte de tissu, 1 châssis recouvert de tissu, 3 bande-son diffusées par 4 haut-parleurs)
  • Acquisition, 2020
  • Inv. 2020-050
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Les œuvres de Makhacheva, qu’elles prennent la forme de performances, d’installations ou de vidéos, s’inspirent souvent d’une histoire racontée, imaginée, ou dont l’artiste a été témoin. Elle interroge les grands récits de l’histoire comme de l’histoire de l’art, leurs constructions, leurs omissions, leurs biais géographiques et politiques.

4’224,92 cm2 de Degas, installation réalisée pour l’Espace Projet du MCBA en 2020, s’inscrit dans la continuité de ces réflexions. Le titre renvoie à la disparition inexpliquée
à ce jour d’une partie d’un pastel d’Edgar Degas, entre le moment où il a été inventorié et photographié dans l’atelier de l’artiste après sa mort et son entrée au Musée en 1936 (Blanchisseuses et chevaux). Cette mystérieuse disparition fait écho à l’intérêt de Makhacheva pour les processus de construction de la valeur artistique, mais elle constitue aussi un des indices qui lui permet d’élaborer son installation comme une intrigue et de la dérouler comme un récit dans l’espace d’exposition.

Constituée presque exclusivement d’éléments en tissu, 4’224,92 cm2 de Degas peut se lire comme une maquette à échelle humaine d’un musée à l’abandon : des cimaises molles brodées de fragments d’histoires réelles et imaginaires, relatant diverses formes d’acquisition d’œuvres : des confettis déposés au sol représentant des détails de tableaux ; des lés de tissu imprimé sur lesquels on repère les tracés qui manquent désormais au pastel de Degas. Ces différents éléments mènent à un large plateau suspendu, comprenant plusieurs ouvertures à travers lesquelles glisser la tête pour écouter des sons qui évoquent simultanément l’eau, le feu, des termites et d’autres insectes nuisibles. Ailleurs dans l’espace, des histoires sur la valeur des œuvres ainsi que sur les réserves des musées et ce qui y est conservé et collecté tout en demeurant caché, sont diffusées par des haut-parleurs. Les corps des visiteuses et visiteurs ainsi pris dans le dispositif sont à la fois actifs (à l’écoute) et momentanément figés en statues éphémères, participant à l’installation. Au même titre que les sculptures, les récits peuplent l’espace et transforment le rapport au temps, à ce qui est su ou imaginé, vu ou ressenti.

Bibliographie

Nicole Schweizer (éd.), Taus Makhacheva. 4’224,92 cm2 de Degas, Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, 2020 (coll. Espace Projet, n° 1).

Vladislav Shapovalov (éd.), Taus Makhacheva : Tightrope, Milan, Mousse Publishing, Moscou, V-A-C Press, 2017.