Nicolas De Largillierre
Autoportrait, 1711

  • Nicolas De Largillierre (Paris, 1656 - 1746)
  • Autoportrait, 1711
  • Huile sur toile, 80,5 x 63,2 cm
  • Don de Arlaud, 1841
  • Inv. 735
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Ce tableau est une réplique réalisée par Largillierre d’après son Autoportrait de 1711 conservé au château de Versailles. L’artiste se représente ici avec les attributs de son métier de peintre. De la main droite, il tient un porte-mine chargé d’une sanguine et d’une craie blanche, ainsi qu’un portefeuille débordant de dessins. De la main gauche, il attire l’attention du spectateur sur une toile, l’ébauche à la craie blanche d’une Annonciation sur un fond de préparation gris. Par ce geste ample, qui désigne une œuvre d’art religieux, Largillierre semble revendiquer le statut de peintre d’histoire. On pourrait aussi considérer qu’opposant le rendu extraordinaire de son portrait au premier plan à une œuvre inachevée à l’arrière-plan, il suggère au contraire la supériorité du portraitiste, titre auquel il est reçu en 1686 à l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris.

Cette ambivalence dans le message délivré, la position du corps qui creuse la profondeur de l’espace, la théâtralité du geste de la main gauche, la texture picturale lisse et moelleuse excellant à traduire les carnations, mais aussi la chaleur de la palette, la somptuosité sensuelle du manteau de velours rouille, et surtout la fluidité dans l’enchaînement des plans sont autant d’éléments qui situent clairement l’œuvre dans l’esthétique rococo. En cela, elle s’oppose en tous points au célèbre Autoportrait peint par Nicolas Poussin en 1650 (Paris, Musée du Louvre), pourtant très proche dans son iconographie, et elle offre à cette icône du classicisme une réponse digne de celui qui fut le plus grand portraitiste français de son temps avec son concurrent Hyacinthe Rigaud. Si Largillierre, formé au portrait en Angleterre, surpasse ce dernier dans la traduction de la psychologie des modèles, il s’en distingue aussi pour avoir préféré à celle de la cour une clientèle bourgeoise, dont il se plaisait à dire qu’elle était moins compliquée dans ses attentes et plus rapide dans ses paiements !

Bibliographie

Frédéric Elsig (dir.), De la Renaissance au Romantisme. Peintures françaises et anglaises du Musée des Beaux-Arts de Lausanne, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne n° 18, 2013, n° 18.

Dominique Brême et alii, Nicolas de Largillierre, 1656-1746, cat. exp. Paris, Musée Jacquemart-André, Paris, éditions Phileas Fogg, 2003, voir n° 1.

Myra Nan Rosenfeld, « Nicolas de Largillierre et son élève Jean-Baptiste Oudry. Deux portraitistes du Grand Siècle », in Entre Rome et Paris. Œuvres inédites du XIVe au XIXe siècle, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne n°4, 1996, p. 15-25.