Exposé actuellement
La collectionBibliographie
Côme Fabre (dir.), Charles Gleyre (1806-1874). Le romantique repenti, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Paris, Hazan, 2016, p. 137-138, n° 37.
Catherine Lepdor (dir.), Charles Gleyre. Le génie de l’invention, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2006, n° 70.
William Hauptman, Charles Gleyre 1806-1874. I Life and Works. II Catalogue raisonné, Princeton, N.J., Princeton University Press, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1996, n° 353.
Gleyre est à Rome depuis cinq ans déjà lorsqu’au printemps 1834 se présente l’occasion de concrétiser un rêve qui habite tous les romantiques : accomplir le voyage d’Orient, partir à la découverte des monuments de l’ancienne Égypte et à la rencontre d’une population réputée pour son « exotisme ». En Italie, sa carrière s’est enlisée, et il vit d’expédients. C’est donc avec enthousiasme qu’il accepte d’être engagé en tant que dessinateur-documentaliste par John Lowell Jr., un industriel de Boston. Leur périple les mènera d’Italie en Grèce, puis en Asie Mineure, et enfin d’Égypte au Soudan. L’artiste réalisera plus de cent cinquante dessins et aquarelles, parmi lesquels nombre de relevés archéologiques. Cette aventure le marquera durablement et elle le singularise dans sa génération, peu d’artistes ayant remonté le Nil au-delà de la sixième Cataracte, depuis Alexandrie jusqu’au « pays des Noirs ».
Cette étude appartient à un ensemble d’une douzaine de peintures réalisées probablement au Sennar, province du sud de la Nubie. Peints à l’huile, ces portraits sur le vif, au cadrage serré, montrent les visages d’hommes et de femmes de différentes ethnies. Gleyre s’attache au rendu de chaque individualité, réalisant une galerie sans équivalent dans un temps où l’attention condescendante des Européens débarqués en Afrique ne retient que le pittoresque des costumes et l’étrangeté des rites. Le travail sur la lumière fait surgir du fond gris des papiers préparés le détail des épidermes, des coiffures et des parures, et nous met en présence d’êtres humains qui, de leur regard grave, semblent interroger notre perception de l’altérité.
Lorsqu’il réalise ce portrait, Gleyre vit complètement immergé dans la population locale. En novembre 1835, il s’est séparé de son commanditaire américain à Khartoum. Affaibli par les dysenteries, les ophtalmies et les fièvres, il accomplit dans la plus complète solitude la dernière étape de son voyage d’Orient, avant de rentrer en France via le Liban au printemps 1838.