Eugène Grasset
Femme à la rose, vers 1900

  • Eugène Grasset (Lausanne, 1845 - Sceaux, 1917)
  • Femme à la rose, vers 1900
  • Aquarelle sur papier, 65 x 50 cm
  • Acquisition, 1984
  • Inv. 1984-034
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Ce n’est pas le moindre des paradoxes de Grasset que d’avoir été considéré dans son temps comme le chantre de la femme, alors que ses Carnets intimes le révèlent d’une rare misogynie. Pour lui, « l’homme et la femme ne sont pas seulement différents par le physique, mais leur mentalité est ennemie l’une de l’autre […]. Et la femme n’a rien à donner si ce n’est son corps. »

Ce corps craint et détesté, l’artiste va le réduire à une proposition graphique. La femme de Grasset est atemporelle, malléable, applicable – au même titre que tout objet naturel – à un propos allégorique ou à un usage décoratif. Fleur parmi les fleurs, asexuée, mélancolique et muette, elle n’est pas portraiturée mais réduite à un type pour lequel de nombreux commentateurs de l’époque s’enthousiasmèrent, le rapprochant à juste titre de celui des femmes représentées par les Préraphaélites anglais et, auparavant, par Sandro Botticelli.

S’il est probable que Grasset dessina Femme à la rose en vue de quelque affiche, pour orner un calendrier ou illustrer une publication, le projet ne dut pas aboutir car cette aquarelle n’a pas de correspondance dans son corpus imprimé. L’artiste Art nouveau réalise ici la quintessence de sa formule décorative. Devant un paysage encadré par deux bouleaux, une jeune femme s’est arrêtée le long de l’allée sablonneuse d’un jardin. Sa silhouette longiligne, toute en arabesques, est serrée dans une robe mauve qui marque la finesse de sa taille. Penchée sur une branche de rosier, elle respire l’odeur d’une fleur. Bidimensionnalité, aplats de couleurs pures et lumineuses, cernes noirs et découpage précis des formes disent les sources d’inspiration stylistiques de l’artiste qui puise dans le vitrail médiéval et dans l’estampe japonaise.

Bibliographie

Catherine Lepdor (dir.), Eugène Grasset. L’art et l’ornement, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2011.

Céline Eidenbenz, « Femme à la rose, 1900 », in Dominique Radrizzani (dir.), L’attrait du trait : dessins anciens et modernes de la collection, Les Cahiers du Musée des Beaux-Arts de Lausanne no 11, 2001, p. 78-79, cat. 37.

Anne Murray-Robertson, Grasset : une certaine image de la femme, cat. exp. Gingins, Fondation Neumann, Milan, Skira, 1999, p. 18.