Charles Gleyre
Le Déluge, 1856

  • Charles Gleyre (Chevilly, 1806 - Paris, 1874)
  • Le Déluge, 1856
  • Huile et pastel sur toile, 99,5 x 197 cm
  • Acquisition par souscription publique, 1899
  • Inv. 1243
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Gleyre innove pour cette représentation du Déluge, mythe biblique qui raconte l’origine de la nouvelle humanité. Contrairement à ses prédécesseurs, il ne décrit ni le moment de l’inondation, ni le destin des survivants au cataclysme ordonné par Dieu pour punir la descendance d’Adam de ses péchés. Pas de cadavres flottants à la surface des eaux ni de rescapés accrochés à des arbres, pas non plus d’animaux débarquant de l’arche. L’artiste propose un grand paysage de format panoramique, plongé dans une semi-obscurité rythmée par des rochers aux formes étranges, illuminé en arrière-plan par la lumière intense d’une aube naissante. Se manifeste ici une attirance pour les étendues désertiques, constante chez Gleyre depuis son voyage en Orient des années 1830.

Le tableau montre le nouveau visage de la Terre après le retrait des eaux. Au loin, l’arche est arrêtée au sommet du mont Ararat ; pour ouvrir ses portes, elle attend le retour de la colombe qui plane au premier plan. À droite, la dépouille du serpent enroulé autour d’un tronc symbolise la victoire sur le mal. Le centre de la composition est occupé par deux anges superbes, immobilisés en plein vol, et comme stupéfaits de voir ressurgir la vie dans les frais rameaux d’olivier jaillis d’une souche. La luminosité surnaturelle de cette apparition est obtenue par une technique inédite : des rehauts au pastel appliqués sur la surface de l’huile.

Plus que les anges de La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime de Pierre-Paul Prud’hon (1808, Paris, Musée du Louvre), qu’on a parfois cités comme source d’inspiration de Gleyre, ces douces créatures ailées évoquent les fresques ingénues des Primitifs italiens. Comment interpréter leur présence dont le récit biblique ne fait aucune mention ? Le peintre a pu s’inspirer du Livre d’Hénoch, un texte de la littérature apocalyptique qui donne pour cause véritable au déluge les amours interdites de certains anges avec des mortelles – une belle métaphore de la création artistique !

Exposé actuellement

La collection

Bibliographie

Côme Fabre (dir.), Charles Gleyre (1806-1874). Le romantique repenti, cat. exp. Paris, Musée d’Orsay, Paris, Éditions Hazan, 2016, p. 185, n° 84.

Sylvie Wuhrmann, « Les anges du bizarre », in Catherine Lepdor (dir.), Charles Gleyre. Le génie de l’invention, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Milan, 5 Continents Editions, 2006, p. 183-189, n° 156.

William Hauptman, Charles Gleyre 1806-1874. I Life and Works. II Catalogue raisonné, Princeton/N.J., Princeton University Press, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1996, n° 670.