Giovanni Giacometti
Nature morte avec livres, vers 1907-1908

  • Giovanni Giacometti (Stampa, 1868 - Glion-sur-Montreux, 1933)
  • Nature morte avec livres, vers 1907-1908
  • Huile sur toile, 38,3 x 46,3 cm
  • Dation succession Jean-Claude Givel, 2018
  • Inv. 2018-004
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Après une formation à l’École des arts appliqués de Munich, Giacometti part en 1888 poursuivre ses études à Paris, accompagné de son ami Cuno Amiet. Là, sa peinture, pourtant au contact de la scène artistique moderne, se cantonne aux conventions pré-impressionnistes. Si un bref séjour en Italie en 1893 l’amène à éclaircir son coloris et l’enrichir de nuances, la rencontre capitale sera, l’année suivante, celle de Giovanni Segantini, dont il s’approprie la thématique alpestre et la technique divisionniste.

Depuis les Grisons où il s’établit définitivement, Giacometti se tient au courant de l’évolution de la scène artistique française. À la mi-octobre 1907, il se rend à Paris pour voir la rétrospective Cézanne au Salon d’automne. Subjugué, il écrit le 27 octobre à Hedy Hahnloser-Bühler : « Le voyage à Paris a été pleinement récompensé par la merveille qu’était l’exposition Cézanne. C’est l’un des artistes les plus purs qui aient jamais existé. […] On est complètement épaté par sa grande simplicité. Au début, on se demande, surpris : c’est tout ? Néanmoins, en y regardant de plus près, la nature morte la plus simple éveille en nous la sensation de l’infini. »

Cette Nature morte aux livres semble avoir été arrangée pour évoquer aussi un paysage alpestre. Stylistiquement, elle porte la marque de Cézanne, perceptible d’emblée dans la composition, avec la nappe qui vient recouvrir la table, et les livres en déséquilibre, comme l’étaient souvent les pommes du maître d’Aix. Giacometti reprend la touche constructive de Cézanne, aussi bien dans les objets que pour le fond ocre-jaune, et il intègre la modulation des couleurs par aplats. Il va plus loin encore que son modèle dans la retranscription des effets de la lumière sur la coloration, s’autorisant des contrastes forts, avec le vert, le violet et le rouge des livres et la coloration bleu vert de la nappe. Cette vigueur, il l’emprunte à Gauguin et à Van Gogh, deux maîtres qui exercent une influence décisive sur son art.

Bibliographie

Paul Müller et Viola Radlach, Giovanni Giacometti 1868-1933. Werkkatalog der Gemälde, Zurich, Schweizerisches Institut für Kunstwissenschaft, 1997, vol. 2, n° 1907.56.

Dieter Schwarz (dir.), Giovanni Giacometti 1868-1933, cat. exp. Winterthour, Kunstmuseum Winterthur, Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Coire, Bündner Kunstmuseum, Zurich, Institut suisse pour l’étude de l’art, 1996