Kiki Smith
Rosary, 1994

  • Kiki Smith (Nuremberg, 1954)
  • Rosary, 1994
  • Bronte blanc et bronze siliconé, 472,4 cm
  • Acquisition, 2020
  • Inv. 2020-029
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

Le corps humain, son fonctionnement, ses représentations et son statut social sont au cœur du travail de Kiki Smith. Depuis le début des années 1980, l’artiste américaine l’observe avec une curiosité nourrie par la volonté de le comprendre, alors qu’il nous demeure en partie étranger et qu’il est, par ailleurs, l’objet de nombreux enjeux politiques.

Smith a tout d’abord décrit le corps à l’appui de livres d’anatomie, organe par organe, avant de s’intéresser à la peau. Cette transition vers l’enveloppe épidermique l’a amenée à traiter le corps dans son intégralité, notamment au moyen de figures en pied (en cire, papier-mâché ou en bronze). Rosary se situe à la charnière de ces deux approches, tout en ancrant son travail dans le domaine de la sculpture. Le corps d’une femme est représenté par des fragments (oreilles, bouche, vulve, anus, etc.) reliés par une chaîne. Cet exemplaire unique fait partie d’une série d’œuvres inspirées des bracelets à breloques (tel Daisy Chain [1992], New York, Whitney Museum of Art), qui explorent la forme libre de la sculpture. Ainsi peut-il être exposé de différentes manières, de fois en fois, au sol ou sur le mur, dans ce second cas comme un collier.

Le titre de l’œuvre, «Rosaire», renvoie au chapelet dont il évoque la forme et dont les fragments corporels symbolisent les gros grains. La référence à la religion catholique n’est pas accidentelle. Smith a été élevée dans cette tradition et a souvent dénoncé la façon dont l’institution catholique s’approprie le corps des femmes et impose son contrôle sur celui-ci. Rosary se réfère aussi à une tradition du Vassar College, une université privée à Poughkeepsie, qui fut fondée en 1861 et qui n’accueillait à l’origine que des jeunes filles. Chaque année, à la remise des diplômes, des étudiantes de deuxième année sont sélectionnées pour porter, sur leurs épaules, de l’une à l’autre, une très longue guirlande de pâquerettes («daisy») et de laurier, créant un couloir pour guider les diplômé.e.s.

Bibliographie

Laurence Schmidlin, « Le corps prodigieux », in Laurence Schmidlin (éd.), Kiki Smith. Hearing You with My Eyes, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Zurich, Scheidegger & Spiess, 2020, p. 126.

Helaine Posner, Kiki Smith. Sculpture, cat. exp. Séoul, LeeAhn Gallery, 2015, p. 14-15.

Mayo Graham et Christine Ross, Kiki Smith, cat. exp. Montréal, Musée des Beaux-Arts, 1996, p. 25, no 54.