Jean-Frédéric Schnyder
Ein Freund, 1986

  • Jean-Frédéric Schnyder (Bâle, 1945)
  • Ein Freund, 1986
  • Huile sur toile, 200 x 160 cm
  • Acquisition, 1992
  • Inv. 1992-108
  • © Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne

En 1993, Schnyder représente la Suisse à la Biennale de Venise avec une série de 119 peintures à l’huile de petit format montrant des vues depuis des ponts d’autoroute (Wanderung, 1991-1992). En guise de titre, chaque tableau porte le numéro d’identification de l’autoroute représentée ainsi que la date à laquelle il a été peint, et renvoie dès lors aussi bien à une démarche conceptuelle à la On Kawara qu’à la tradition de la peinture de paysage, reformulée ici dans sa version contemporaine.

Au contraire de ces travaux en série, Ein Freund est une œuvre unique, qui frappe autant par sa composition et son choix chromatique que par son iconographie. Un homme debout, de profil, en costume bleu nuit et chapeau tyrolien, regarde un feu allumé à même le chemin, au milieu de ce qui ressemble à un terrain vague en bordure d’un quartier de HLM. Ein Freund – un ami – dont la barbiche, la queue et le pied fourchu renvoient sans ambiguïté à la figure de Satan, le diable en visite dans le quotidien banal et gris d’une banlieue sans nom. Personnage contemplatif, voire mélancolique, la figure de l’ange déchu est ici très loin des représentations effrayantes de l’Apocalypse – il ressemble à s’y méprendre à un humain, pâle réplique d’une figure qui a traversé l’histoire de l’art sous de multiples avatars. Comme souvent chez Schnyder, un genre est détourné et réduit à sa dimension la plus triviale : le symbole du Mal devenu présence banale d’un homme de passage, la peinture de paysage devenue extrait morne d’un coin de ville sans âme. Dans le même esprit, mais vides de toute présence humaine, deux autres toiles conservées au Musée représentent l’une un bout de ville où trône l’enseigne du géant suisse de la distribution (M Ostermundigen, 1983), l’autre un tronçon de route anonyme (Lory, 1983).

Peintre autodidacte, Schnyder a gardé de son apprentissage de photographe un sens aigu de l’observation, s’appropriant tour à tour les approches du Pop Art puis de l’art conceptuel, tout en puisant dans le répertoire de la culture populaire et kitsch. Une démarche picturale qui interroge le travail même de l’artiste par sa remise en question perpétuelle d’un style ou d’une iconographie prédéfinie.

Bibliographie

Massimiliano Gioni (éd.), The Encyclopedic Palace. La Biennale di Venezia 55. International Art Exhibition, cat. exp. Venise, Marsilio, 2 vol., 2013.

Philipp Kaiser (éd.), Jean-Frédéric Schnyder, cat. exp. Bâle, Kunstmuseum, Museum für Gegenwartskunst, 2007.

Jean-Frédéric Schnyder: Wanderung / Camminata / Randonnée pédestre / Walking-tour [Biennale di Venezia 1993 ; Pavillon suisse], cat. exp. Baden, Lars Müller, 1993.