Bibliographie
Catherine Grenier, Christian Boltanski : il y a une histoire…, Paris, Flammarion, Paris, Centre national des arts plastiques, 2010.
Jörg Zutter et Raymond Farquet, Christian Boltanski. Les Suisses morts: liste des Suisses morts dans le canton du Valais en 1991, cat. exp. Lausanne, Musée cantonal des Beaux-Arts, Vevey, Éditions de l’Aire, 1993.
Günter Metken, Christian Boltanski. Les Suisses morts. Memento mori und Schattenspiel, Francfort-sur-le-Main, Museum für Moderne Kunst, 1991.
Peintre avant de se tourner vers la photographie et le cinéma, Boltanski est connu pour ses installations tenant à la fois de l’inventaire et de l’archive, qui explorent la question du rapport à l’histoire et à la mémoire, en particulier celle que l’artiste nomme la « petite mémoire », soit « le contraire de la grande mémoire prélevée dans les livres ». Né pendant la guerre d’un père médecin, juif converti, caché pendant deux ans sous le plancher de l’appartement familial pour échapper à la Gestapo, et d’une mère de culture catholique, Boltanski n’aura de cesse de revenir sur une histoire ayant inexorablement marqué, parmi des millions d’autres, la sienne et celle de sa famille.
Le thème de la Shoah est abordé ouvertement pour la première fois dans l’installation Les Archives réalisée pour la documenta 8 de Cassel en 1987, qui soulève la question de l’individu et de la masse, de l’un et du multiple. Réserve des Suisses morts s’inscrit dans la suite de ce travail. L’installation fait partie d’un ensemble plus vaste portant ce même titre, réuni pour la première fois lors de l’exposition que le Musée consacre à l’artiste en 1993. Elle est constituée d’une série de photographies de visages puisés dans les annonces mortuaires du journal valaisan Le Nouvelliste, rephotographiés et agrandis avant d’être agencés sur des étagères, portraits anonymes volontairement éloignés de toute référence historique. Parmi ces images, l’artiste a ajouté des portraits de vivants découpés dans le même journal, troublant ainsi la narration purement mortuaire. L’éclairage, tout comme les draps sur lesquels reposent les photographies, donnent à l’installation un caractère mémoriel et en font une sorte d’autel érigé à ces individus. Si, pour Boltanski, Les Suisses morts est une œuvre sur la Shoah, l’utilisation de portraits de Suisses – qui n’ont, comme le dit l’artiste, pas de raison historique de mourir – lui permet d’aborder la question de l’Holocauste sans se situer dans le registre de la représentation ou de la remémoration historique. « Travailler sur les Suisses morts suscite cette question ‘‘pourquoi les Suisses ?’’. C’est cela qui m’intéresse. Les Suisses meurent aussi parce qu’ils sont humains. »